défaut d’histoire
N’a plus qu’un seul souvenir précis. Elle le regarde droit dans les yeux et lui dit : « Je pars. »
Le reste n’est qu’un ramassis de sensations désagréables. Se
retrouver seul à fumer clope sur clope avachi dans le canapé devant un écran de
télé éteint. Ouvrir cent cinquante fois le réfrigérateur et constater qu’il ne
reste plus aucune bière. Se rabattre à nouveau sur le placard à apéritif et
tenter d’arracher à une bouteille une autre dernière goutte de vodka. Sortir
dans la rue sous une pluie battante. Aller à pied au bar le plus proche. Boire.
Sortir du bar comme un zombie. Se rendre au bar d’en face. Boire. Rentrer
s’affaler sur la moquette de l’appartement. Ramper jusqu’au chiottes. Vomir. Se
réveiller deux jours plus tard. Plus de mémoire. Plus d’identité. Plus
d’histoire. Plus de famille. Plus d’amis. Plus de boulot ? Ne sait même pas de
quoi on parle là !
Sortir prendre un petit coup. Se faire chasser des bars à
coups de poings, de pompes, de matraque, de batte de base-ball et de seau d’eau
sale. Se réveiller avec la gueule de bois, sale, trempé, gelé, allongé sur un
banc public. Rentrer tenter de se prendre une douche. Renoncer en voyant sa
gueule dans le miroir de la salle de bain. S’affaler sur la moquette.
Oublier.
Zoner des jours et des jours. Acheter des clopes. Regarder
au-delà du plafond en fumant et buvant. Rendre l’appartement qui était en
location. Vendre tout ce qu’il contenait à un brocanteur. Aller boire le
produit de la vente. Se faire jeter du bar après avoir renversé quelques tables
et provoqué une bagarre. S’affaler sur le trottoir, un banc ou des marches.
Echapper aux flics, ça, c’est comme instinctif, il est déjà loin, en rampant
s’il le faut, lorsque les sirènes sonnent ou que les camionnettes arrivent.
Rentrer se coucher au matin dans un hôtel miteux.
Et recommencer le lendemain, la nuit suivante et le surlendemain.