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Nessy et la mission de Keridwen

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16 septembre 2006

Ernestine Nestor, dite Nessy, la vouivre du Loch Ness

   

nessy

Ernestine Nestor, dite Nessy, Monstre du Loch Ness, a une très longue histoire et de nombreuses incarnations. Personnage de légende, elle s’est manifestée à maintes reprises et sous différentes formes autant réelles que virtuelles. Cette histoire-ci a débuté sous l’identité d’un personnage de RPG  et se prolonge dans les méandres d’Internet au fond d’un lac, communément appelé Le Loc’h, qui est bien entendu virtuel, protéiforme, changeant et brumeux.

Vous êtes invités à poursuivre l’aventure de Nessy par l’intermédiaire de vos commentaires qui seront, je l’espère, imagés, décalés et hors du temps.


Prénom:

Connue aujourd’hui dans le monde entier sous le surnom de Nessy, Ernestine s’est d’abord fait appeler « la Kelpie » et n’est connue sous son vrai prénom que des habitués du bar « Le Loch Ness » situé sur les rives de ce lac.


Nom:

Nestor, comme celui de son premier mari, le seul qu'elle ait eu d’ailleurs, mort il y a fort fort longtemps.


Age (apparent):


Sous sa forme humaine, Nessy paraît avoir environ ving-cinq, vingt-six ans. Sous sa forme, disons, « animale », Nessy serait pour certains une survivante de l’ère secondaire, pour d’autres, elle aurait moins de dix mille ans, date de la séparation des eaux du lac de celles de l’Océan. Ces chiffres sont totalement farfelus, car Ernestine Nestor vient seulement de fêter son mille quatre cent soixante deuxième anniversaire dans la nuit du 30 octobre au premier novembre dernier, en compagnie de sa famille et de ses amis sur l’ïle d’Avallon dans le château de sa grand-mère.
Fille d’un roi d’Ecosse et d’une fée des Tertres de l'île d'Iona, Nessy est bien évidemment une princesse-fée celtique.


Apparence:
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Apparence N° 1 : Jolie rousse frisée aux yeux verts, le visage parsemé de tâches de rousseur, Nessy est de petite taille, environ un mètre soixante, bien proportionnée, la poitrine ni trop lourde, ni trop menue, juste ce qu’il faut pour porter de jolis décolletés pas trop provoquants. Elle a les hanches à peine enveloppées, juste ce qu’il faut pour n’être ni plate, ni ronde mais se sentir aussi bien en mini-jupe qu’en jean ou en robe longue. Ses jambes sont longues malgré sa taille et son habitude de la marche lui a donné des cuisses et des mollets légèrement musclés aussi bien mis en valeur par le port de baskets que par celui de talons aiguilles.

Apparence N° 2 : Sous sa deuxième forme, qu’on peut qualifier d’animale, bien qu’aucune autre bête ne lui ressemble, Nessy est énorme, d’un teint plutôt gris-verdâtre, pourvue d’un long cou surmonté d’une petite nessy2tête garnie de cornes qui ressemblent à celles des girafes. Elle est coiffée d’une belle crinière vert clair qui contraste avec son beau regard jaune d’or. Sa queue à elle seule mesure environ vingt mêtres et pèse à peu près une tonne. Ces mesures ont été faites par aproximation à la suite de dégâts réalisés sur un bateau. Elle se déplace assez rapidement en nageant de ses quatre fortes pattes palmées et peut plonger de longues heures à une profondeur d’au moins deux cents mêtres.


Caractère:

Curieuse, gaie, enjouée, coquine, serviable, bien qu’assez maladroite et extrêmement étourdie, Nessy est d’une compagnie agréable lorsqu’elle est à terre et qu’elle vous sert, sans le renverser, un verre de bière au café « Le Loch Ness ». Evitez de la rencontrer lorsqu’elle nage. Sa maladresse peut emporter votre embarcation soit à cinquante mêtres dans les airs, soit à vingt mêtres sous l’eau d’un coup de nageoire ou de queue. Elle en serait désolée. C’est pourquoi elle est très discrète quand elle va se baigner et choisit de préférence la nuit, les jours de brume ou de tempête pour éviter les accidents.


Légende de Nessy, monstre du Loch Ness :

Première apparition sur les rives du Loch Ness sous sa deuxième forme en l’an 565 après Jésus-Christ. Frayeur chez les habitants des rives. Paniquée par les hurlements, Nessy casse toute la flotte de pêche et les pontons du port. Elle se fait sermonner par saint Colomban et promet de rester toujours gentille, calme et polie, quelque soit la frayeur qu’elle puisse provoquer autour d’elle.
Plusieurs apparitions sous sa deuxième forme du VIème siècle au au XIXème siècle pendant lesquels on la prend pour une Kelpie, sorte de cheval marin qui intrigue les chasseurs attirés par le gros gibier et les chevaliers errants en quête d’aventure mais fait peur aux enfants qui ne veulent pas manger leur soupe.
Au IXème siècle, son apparition dans les brumes du lac inspire un sculpteur norvégien qui lancera la mode des figures de proue si particulières des bateaux vikings qui imitent son portrait.
Au XXème siècle, sa légende fait le tour du monde grâce aux nouveaux moyens de communication. C’est là qu’elle devient Nessy, le « monstre du Loch Ness ». En 1960, puis en 1967, elle est même prise en film. Quelques scientifiques ont pu saisir ses mouvements de natation en grande profondeur avec des sonars, nécessaires à l’observation sous-marine, car l’eau du lac est très trouble. Par contre, ceux qui ont tenté de la photographier au bain n’ont jamais réussi. Toute les photos connues actuellement sont des fausses.
Peu de gens ont pensé la photographier sous sa première apparence, car elle n’aime pas ça et le dit volontiers. C’est cependant tout à fait possible avec un peu de persuasion et de charme. Mais ça n’impressionne pas plus vos amis qu’une autre photo de jolie fille prise pendant les vacances et personne ne vous croira si vous dites qu’elle est Nessy du Loch Ness !


Légende de sa cousine Mélusine :

Mélusine, fille d’une fée et d’un roi d’Ecosse est qualifiée de monstre par sa famille, laquelle, comme celle de Nessy, n’apprécie guère les mariages inter-ethniques. On lui prédit qu’elle ne pourra jamais se marier. Elle trouve pourtant un gentil fiancé à qui elle promet honneur et richesse si, une fois mariés, il ne cherche jamais à la voir au bain, qu’elle prend tous les samedis dans une pièce fermée. Arrive ce qui devait arriver, la curiosité pousse le gentil mari à regarder par le trou de la serrure et à hurler haut et fort à la vue de sa femme dont le bas du corps est celui d’un énorme serpent. Une vouivre ! Elle le quitte car elle ne veut pas être montrée du doigt ni brûlée vive, qui sait ? Et se réfugie dans la forêt. Elle a été entr’apperçue de nombreuses fois depuis.


Histoire réelle de Nessy, la Vouivre du Loch Ness :


Il est vraiment incroyable que personne n’ait encore fait le rapprochement entre la légende de la Vouivre poitevine et celle du monstre du Loch Ness. Il est pourtant bien connu que les Pictes d’Ecosse et les poitevins, du Poitou donc, sont de même origine celtique. Donc, même cause, même effet, Nessy, fille d’un roi d’Ecosse et d’une fée des tertres de l’île d’Iona est également un monstre comme sa cousine, ses cousins et ses frères et sœurs. Elle s’est mariée une fois il y a bien longtemps et son gentil mari, Oengus Nestor, qui n’a jamais regardé par la serrure est mort comme tout chevalier qui se respecte, à la guerre ou à la chasse, on ne sait plus très bien. C’était il y a fort fort longtemps et depuis, Ernestine a eu de nombreuses aventures. Jamais, cependant elle n’a pu enfanter de rejeton. La nature se rééquilibre finalement assez bien toute seule.
Nessy habite un broch, sorte de grosse tour de pierres trapue qui possède trois portes. Une devant, lourde et en bois avec un petit judas muni d’une grille par lequel elle peut voir les gens qui frappent. La deuxième, derrière, en bois également, s’ouvre en deux parties, une en bas, une en haut, et donne sur le jardin. La troisième est une trappe qui ouvre sur un souterrain en partie noyé et permet de rejoindre directement le lac en plongée. Le broch est aménagé comme une petite maison de campagne, modestement mais confortablement. Il y a des rideaux de cretonne aux deux petites fenêtres.
Depuis plusieurs siècles, Nessy trouve son équilibre en jouant à la serveuse de bar dans les différents villages du tour du lac et en se baignant les nuits sans lune, les jours de brouillard ou de tempête, quand nul n’est sensé sortir en bateau. Mais, hélas, il lui arrive aussi de se baigner sur un coup de tête, car son étourderie lui fait oublier ses sages décisions, alors ne vous trouvez pas un de ces jours-là sur son chemin !


Signes particuliers :

N’aime pas qu’on la chatouille, ça la fait éternuer. C’est moins grave à terre. Déteste qu’on la prenne en photo.

Quelle fontaine éclate sous le couvert de l'ombre, alors que le roseau est blanc sous la lumière de la lune ?

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16 septembre 2006

Keridwen Chaudron

 

Elle est petite, elle est bossue ;
Sur sa chaudière son front sue
Et ruisselle, et sa main ossue
Y plonge un doigt sale et crochu.
Une verrue énorme et grise
Pend de sa moustache qui frise
Sur sa lèvre que cicatrise
Le stigmate d’un pied fourchu.

(écrit au revers d’une lettre de faire-part de mariage par Victor Hugo)



Keridwen a oublié son âge. Elle est née sur Avallon, l’île des Pommes.

avallon

Petite, extrêmement vieille, bossue, affreusement ridée, les jambes tortes et les mains noueuses, Keridwen promène son maigre corps à travers tous les âges de la création d’un petit pas léger et chancelant mais totalement infatigable. Elle est mue par une énergie qui vient des profondeurs de la Terre Mère à laquelle elle appartient depuis le jour très lointain de sa naissance.
Vêtue de pauvres frippes d’un gris uniformément terne, chaussée de sabots de frêne inusables, elle est coiffée d’un chignon de petites tresses entortillées dissimulé sous une volumineuse coiffe de dentelle amidonnée.
Keridwen porte en permanence au bras un vieux cabas de cuir noir usagé qui contient toute sa maison. Excepté le chaudron, bien entendu !
Sa voix est calme et douce, un peu chevrotante parfois quand tombe la nuit, mais vous vous laisseriez prendre. C’est une charmeuse ou une enchanteresse, si vous préférez. Enfin, une sorcière, quoi !
Deux choses l’embêtent un peu. Sa vue qui baisse doucement mais régulièrement depuis quelques siècles et sa mémoire gravement atteinte par plaques depuis son arrivée sur la plage inconnue.
Son petit chat noir la suit obstinément depuis toujours. Il n’aime pas faire faire du bateau, mais il adore les mouettes. Surtout au petit déjeuner.
Keridwen est d’un premier abord avenante et semble innofensive, vieille petite mère amie des chats, à tel point que vous la laisseriez passer devant vous dans une file d’attente ou lui laisseriez votre siège dans le bus. Vous l’aideriez sans hésiter à traverser la rue. Mais elle est une sorcière des légendes celtiques et sa ruse et sa férocité ne sont plus à démontrer.
Capable d’avaler Gwyon Bach en se changeant en poule lorsque lui-même était devenu grain d’orge puis après ça de le couver tranquillement neuf mois dans son ventre et de le jeter à la rivière dès la naissance. Je n’invente pas, c’est Taliesin lui-même qui chante ses exploits. Capable de mitonner des petits plats savoureux ou des tisanes immondes, de se changer en loup et de caresser son chat avec tendresse, elle est multiple et surprennante. Qui peut savoir qui était son chat autrefois ?

16 septembre 2006

John

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Né d’un soir de solitude et d’une canette de bière, réveillé amnésique sur un port avec la gueule de bois. Truc classique de celui qui joue un personnage, il met un peu de lui, un soupçon de rêves, une cuiller d’imagination et sa schizophrénie ordinaire.

Qui est-il ?

Il se regarde : en surface, un blouson de cuir noir fin et souple, en-dessous une chemise noire, très douce. En bas, un jean noir large à peine délavé. Pas de ceinture. Aux pieds, de grosses chaussures de cuir, du genre botillons d’ouvrier de travaux publics. Dans les poches, trois paquets de clopes entamés, un crayon de charpentier, quelques billets pliés dans un passeport. Cette pièce d’identité ne lui révèle pas grand chose de sa vie. De plus, il la soupçonne fortement d’être fausse, sans toutefois en être certain, ni comprendre la raison de ce soupçon. La photo qui y est apposée paraît convenir à ce qu’il aurait pu être il y a deux ou trois ans. Le cou est enserré d’un col de chemise blanc bien cravaté. Les cheveux y sont beaucoup plus courts, presques rasés et d’un noir corbeau. Mais surtout le regard y est plus vif, pétillant, avec un éclat presqu’inquiétant. Le sourire affiché est à la limite de la moquerie, voire du dédain. Aucune trace de l’expression qu’il peut voir aujourd’hui en regardant son reflet, désabusée, le regard vague et l’absence de sourire.

Nom légal ?
Duval.
C’est celui qui est inscrit sur le passeport ramollit qui traîne au fond de la poche arrière droite de son jean.

Prénoms en mémoire :
Jean.
Mais il sait que la plupart des gens l’appelle plutôt John ou Gianni. Ces deux prénoms lui semblent en tout cas plus familiers.

Age deviné :
Date de naissance indiquée sur le passeport : 11 novembre 1963. Ce qui lui ferait 42 ans.
Bizarre. Le nombre 38 lui revient plus naturellement en tête.

Lieu de naissance moins que probable :
Saint-Beaumont.
Il ne sait pas où ce trouve ce bled. En fait il se doute qu’il n’existe pas. Il ne l’a trouvé ni sur un Atlas ni dans un annuaire. Tenderait à prouver que le passeport est un faux minable ou limite foutage-de-gueule. Département 43, Haute-Loire, c’est un peu au sud du centre.

Nationalité : française.
Enfin, c’est ce qui est inscrit. Lui, se rappelle du nom « Rome », il a vu que c’était la capitale de l’Italie. Mais ce pays ne lui rappelle rien. A part l’association de deux couleurs, le vert et l’orangé et le visage d’une femme peinte à fresque sur un plafond. Une femme qui porte un voile orange sur une robe verte.

Défaut d’histoire :
N’a plus qu’un seul souvenir précis. Elle le regarde droit dans les yeux et lui dit : « Je pars. »
Le reste n’est qu’un ramassis de sensations désagréables. Il est amnésique.

Qu'écoute-t-il ?

Il se rappelle qu'on l'a qualifié de sourd. Il aime la peinture: "La peinture c'est la musique des sourds" lui a-t-on dit un soir d'alcool et de brouillard. Lui, il sait qu'il chante juste et il adore siffler.

Que lit-il ?

Se jette compulsivement sur tout rayon de livres, entre dans chaque librairie, s'oublie dans les bibliothèques, aime le contact du papier, le bruit des pages qu'on tourne, lire dans son bain, à table, sur la plage et sur les quais d'une gare, à n'importe quelle heure mais surtout la nuit et s'endormir un livre à la main, la lumière allumée.

                      
16 septembre 2006

Bleiz le loup

Rouleau d’écorce de bouleau N°12

retrouvé dans un sac de peau sous le banc de nage du curragh.

 

Finalement, je reprend la plume.

bleiz_02
Je ne l’avais plus touchée depuis l’enserrement de Merlin par Vivianne dans la forêt de Brocéliande. J’ai conté toutes ses aventures pendant de longues années. Elles ont, bien heureusement, été maintes et maintes fois reprises, réécrites, transformées. Ce qui a permis de faire connaître cette histoire au monde entier. Car sans le remaniement de mes feuillets par des écrivains chevronnés, qui aurait pris la peine de lire ces pauvres lignes mal rédigées ? Il faut avouer qu’un loup a l’esprit simple et formule ses pensées tout aussi simplement, même si sa vie est complexe, éternelle et multiple.
Je suis Bleiz le loup lorsque je cours à quatre pattes, que je renifle les pistes marquées sur le sol, que j’écris avec de l’encre de coquelicot sur des feuillets d’écorce de bouleau, que je hurle à la lune ou que je me gratte les oreilles avec la patte arrière. Et je suis Keridwen la sorcière lorsque je reprend mon petit pas trottinant, mon dos bossu, mes doigts crochus et mon cabas sous le bras. Keridwen est née de la nuit des temps et d’un matin de rosée. Elle s’est éveillée à la Création pour garder le chaudron de Dagda. Jeune, elle était d’une grande beauté et connaissait tous les secrets de la nature. C’était une puissante magicienne capable de soulever les tempêtes et de détourner les astres de leur cours. Elle eût trois enfants de Tegid le Chauve, roi du Lac Bala. Le troisième, Afang Du fut la cause de la perte du chaudron par la faute de Gwyon Bach. Tout le monde au pays de Cymru connaît son histoire. Et Keridwen vieillit de chagrin et de vexation au cours de l’interminable quête.

Mais je suis aussi Mabd la corneille voyeuse et voyante, Twrch Trwyth le sanglier courant, Kuan le hibou, Eog le saumon ou Melygan le cheval et toutes les formes de la Création lorqu’il me plaît de le devenir.
J’ai parcouru la forêt sur les pas de Merlin. J’ai guerroyé de châteaux en châteaux et de villes en ports avec Arthur. J’ai traversé maintes et maintes fois les deux pays de Bretagne. Et j’ai vogué sur la mer à la recherche d’aventures.

Avec Arthur et ses chevaliers nous avons pris la mer sur de lourds vaisseaux de bois à fond plat et bords hauts, gréés de voiles de cuir, nous avons affronté l’Océan aux vagues grandes comme des montagnes, furieuses comme un troupeau d’étalons sauvages, noires comme les nuits d’hiver, blanches d’écume légère et rouges des soleils couchants vers lesquels nous voguions.
Une île nous est apparue, toute hérissée d’écueils, toute entourée de brumes, flottant entre deux eaux. Longtemps nous avons cherché un hâvre où l’aborder sans encombre. Des jours durant nous avons flotté dans le brouillard, frôlant les crocs acérés des rocs, scrutant le long des rives une crique où jeter l’ancre.

 

avalon_02

 

Et un matin de fleurs et de papillons la côte s’est ouverte sous la proue de nos bateaux. Nous avons accosté sur le sable doré d’une belle courbe de plage accueillante. Une source fraîche surgissant en cascade de la falaise et baignant un bassin de galets bleus put abreuver nos hommes et nos chevaux. L’air doux et léger embaumait nos narines éprouvées par l’iode marine d’un parfum envoûtant de pomme mêlé d’ajonc.
Les hommes installèrent un camp au plus haut de l’estran et commencèrent à pêcher qui tourteaux, qui praires grasses et s’amusaient de les cueillir si facilement à pleins paniers. Les braises du foyer furent vite nourries au bois flotté et les chants ne tardèrent pas à accompagner le gavage des estomacs.
Arthur choisit les plus valeureux de ses chevaliers et nous partîmes explorer l’intérieur de l’île. Ké découvrit un escalier de pierre au creux d’une faille de la falaise. Hardiment, il grimpa le premier, taillant un passage dans l’ajonc et le genêt de sa vaillante épée. Arthur le suivit et moi je m’attachai à ses talons.
Nous arrivâmes sur un sentier bordé de talus bas séparant des prés où paissaient une multitude de moutons. D’un côté du chemin les moutons étaient noirs, de l’autre côté ils étaient blancs. Chose curieuse, lorsqu’un mouton blanc sautait le talus et traversait le chemin pour entrer dans l’autre pré, il devenait aussitôt noir. Et quand un mouton noir traversait à son tour, il devenait immédiatement blanc.
Nous marchâmes longuement le long des prés puis le chemin s’élargit pour permettre un passage de charrette quand nous arrivâmes à des vergers. Jamais aucun d’entre nous n’avait contemplé plus beaux vergers. Les arbres étaient larges et hauts. Trois hommes se tenant les mains n’auraient pu entourer un de leurs leur troncs. Sept hommes posés les uns sur la tête des autres n’auraient pu toucher leur sommet. Certains étaient encore tout roses de fleurs alors que d’autres ployaient sous le poids d’énormes pommes luisantes d’or veinées de rouge sang. D’autres plus loin perdaient leurs feuilles brunes et dorées qui s’envolaient vers ceux aux troncs noirs et branches nues habillées de lichens et de givre.
Puis le chemin s’élargit encore et bientôt fut pavé de larges dalles de granit poli et brillant. Un palais de verre apparut dans le lointain à nos yeux étonnés. Lorsqu’enfin nous approchâmes de la forteresse, vint à notre rencontre un éblouissant cortège de jeunes femmes, dont la beauté était aussi difficile à regarder que le soleil. Elles nous escortèrent jusqu’à une salle au plafond perdu dans le ciel, soutenu par des colonnes de pierres précieuses. Le sol était couvert d’or pur et reflétait la lumière des murs de verre. Au bout de l’immense salle, une magnifique jeune femme à l’étincelante chevelure noire bleutée, vêtue d’une somptueuse robe écarlate était assise sur un trône d’argent massif.
« Keridwen, ma sœur bien-aimée ! » S’exclama-t-elle. Morgane, car c’était elle, se leva et s’approcha de notre roi  « Soit bénie de revenir parmi nous accompagnée de mon illustre frère ! Arthur, quel honneur de te recevoir en ma demeure. Puisses-tu goûter aux plaisirs d’Avallon pour qu’enfin tu restes auprès de moi ! Soyez les bienvenus Chevaliers au festin qui vous attend ». La reine des fées embrassa très chaleureusement son demi-frère qui resta de marbre et lui tendit malgré tout poliment sa joue barbue. Au son de la voix de Morgane, je repris le visage de ma jeunesse et fut revêtue des habits qui furent miens avant la quête, parée des bijoux que j’affectionne lorsque je reviens en Avallon.
(Voyez mon portrait ! )keridje
Morganne est traîtresse comme chacun sait et Arthur ne se prit pas au piège. « Chère Morgane, nous avons trouvé ton palais par hasard en nous aventurant vers l’Ouest. Nous ne pouvons accepter l’offre de ton accueil car nous savons ce qu’il nous en coûterait. Soit cependant assurée de notre admiration pour toutes les merveilles d’Avallon, mais permets que nous reprenions au plus vite nos navires car l’aventure ne souffre pas l’attente.
_ Quelle méfiance, Arthur au noble cœur, va emmène tes chevaliers mais je garde tes équipages puisqu’ils se sont nourris des fruits de nos rivages. Une seule chose avant de reprendre les flots : viens contempler l’objet de la quête avant qu’il ne disparaisse à tes yeux. Vois ce chaudron de connaissance et d’imortalité comme il chauffe doucement au souffle de mes sœurs. »
Arthur et moi nous approchâmes de l’endroit désigné par Morgane. J’eus à peine le temps d’entr’apercevoir le chaudron par dessus l’épaule d’Arthur que tout disparut à nos yeux. Chaudron, palais, fées, ors et jardins. Je sentis le pelage de Bleiz reprendre place sur ma peau et mes colliers s’évanouir. Les vergers firent place à des landes pelées par les vents, les moutons disparurent, les prés et les chemins également. Nous retournâmes en hâte à nos vaisseaux et trouvâmes, comme nous le prévoyions, la plage déserte. Nous reprîmes la mer avant de disparaître à notre tour.

 

Les écrits de Bretagne font l’objet d’un grand soin
Tandis que les vagues s’agitent tout autour

Taliesin

16 septembre 2006

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Présentation des personnages

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4 février 2006

réveil

 

 

table_chaises

 

Je sentis d’abord le contact du bois sous mes doigts, puis les relents mêlés de cendre humide, de mauvaise bière et d’eau de javel. Je sentis aussi le vent rabattre mes cheveux sur le visage. J’étais assis sur un parquet, addossé contre la dureté d’un mur de pierres. Et je sentis son parfum, la trace de sa présence, qui me fit ouvir les yeux.
La silhouette se découpait à contre-jour sous une robe qui dansait autour d’elle, portée par la brise. Le coton léger moulait une hanche, dévoilait les genoux, une cuisse.
« Où habitez-vous , Je vous accompagne, si vous voulez, mais je ne peux pas vous porter ! »
Sa voix me fit l’effet d’une douche froide. Claire, pointue, elle me réveilla tout à fait. Que répondre ? J’ignorais où je devais aller et ne comprenais pas pourquoi elle parlait de me porter. Ou de ne pas le faire, plus exactement. Dommage ! A ce moment précis je me serais bien vu en chat, ronronnant à son oreille, perché sur ses épaules, le regard plongé vers sa poitrine. Je me levai. Ou plutôt j’essayai. L’équilibre offert par l’appui dans l’angle du parquet avec le mur m’abandonna, je m’aggrippai à une table. Ses pieds grincèrent en suivant mon mouvement vers l’arrière. Le dos calé, je me mis tout de même assez vite debout, les tympans écorchés, une douleur lancinante sous le front.
« Qu’est-ce que je fais là, qu’est-ce qu’il m’est arrivé ?
_ Vous êtes ivre, vous avez chuté sur la terrasse en sortant du bar, on vous a appuyé contre la façade. Vous avez déliré les yeux fermés pendant un bon moment. Vous êtes vraiment bavard ! Ça a l’air d’aller mieux, non ? Vous tenez debout !
_ Je ne m’en rappelle pas, je ne bois pas.
_ C’est vrai que vous n’avez pas eu le temps de boire ici, mais vous en teniez une belle couche quand même ! Vous avez dû faire tous les troquets de la ville !
_ Je ne sais pas. »
Je détestai son regard, il fouillait le fond du mien sans pudeur. Je l’avais déjà vue, mais où bordel ? Je voulais rentrer chez moi, prendre une douche, m’affaler sur un plumard, seul, tranquille, voir personne, pas parler. Mais vers où aller, je n’en savais rien. Je pris une direction, au hasard. La terrasse était encombrée de tables et de chaises et le roulis m’obligea à zigzaguer entre elles. La fille m’attrappa le bras. Je l’emportai vers la ruelle de gauche.

 

ruelle2
   
   

...
   

2 février 2006

frappé dans le dos

   
   

baiedelenfer_01

mais les eaux de vase noire de la Baie de l'Enfer couvrent-elles un peu d'espoir

   
   
   

Nessy rangeait des verres au fond du café.
La machine lave-verre lançaient des ultra-sons qui lui vrillaient le crâne.
Elle apperçut l'homme seul au bar et reconnut l'Egaré qu'elle devait trouver.
John restait à fumer au bout du comptoir tant qu’il lui restait des clopes. Il attendait tranquillement que quelqu’un lui propose de le servir. Etait-il transparent ? Il ne se sentait plus d’impatience, cette sensation l’avait totalement quitté lui semblait-il.

Nessy approcha.
"Que désirez-vous" demanda-t-elle en plongeant dans le regard de l'homme.
John se sentit soudain perdre pied au fond du lac bleu-vert des yeux de la vouivre.
"Vous!" s'entendit-il hurler de toute ses forces,
mais les mots restèrent prisonniers au fond de sa gorge, sa voix le lâcha, elle se brisa avant de franchir ses lèvres.
"pardonnez-moi, j'entends mal" lui-dit-elle

perdu, effrayé,
il se leva et s'enfuit du bar bruyant,
la porte claqua comme un coup de revolver.
John s'écroula sur la terre, la balle l'avait frappé dans le dos,
entre les deux poumons,
droit dans le coeur.

 

...

 

28 janvier 2006

Rouleau d’écorce de bouleau N°18

Retrouvé dans un sac de peau sous le banc de nage du curragh


bleiz_023En revenant sur l'île, Keridwen avait mystérieusement disparu, laissant sa nièce Ernestine toute seule pour affronter son destin. Elle s’était égarée dans la forêt de l’île, obnubilée par la recherche d’un plan d’ail des ours dont elle souhaitait récupérer les graines. Que désirait-elle soustraire de ces graines ? Nul encore aujourd’hui ne saurait le deviner ! Désespérée par son infructueuse quête, elle avait fini par disparaître totalement de ma pensée. J’avais pris sa place quelques temps auprès de Nessy.

Nous avions quitté les rives d’Ecosse depuis plusieurs lunes auparavant. Pour traverser les mers, Eog le saumon savant nous avait remplacés, Keridwen et moi pendant quelques jours, mais c’est une autre histoire qu’il me plaira peut être un autre jour de vous raconter. Nous avions débarqué sur l’île du nord de la Baie de l’Enfer après la centième nuit passée au large. L’été fuyait doucement.

Et j’avais à mon tour abandonné Nessy.


loup4
image Flickr

Je cheminai sans but sur l’île, flairant deci, delà, quelque trace de gibier, plus occupé de dégourdir mes pattes que de me chasser réellement. Je m’amusai du vol lourd d’un bourbon, de l’oscillation d’une fougère sur mon chemin, du parfum de l’entrée d’un terrier de blaireau, mais rien ne retint vraiment mon attention si ce n'est le plaisir de gambader dans l'air frais du matin. Je sortis de la forêt, remontant en zigzaguant d’un pas décidé, une sente qui grimpait à travers la lande, sans omettre de laisser ma signature à chaque coin de buisson.

J’arrivai à un promontoire dégagé quelque part au centre de l’île. Je m’assis, levant la truffe humide et frémissante aux embruns portés par la brise. Les yeux à demi fermés, j’ouvris mon cœur aux odeurs apportées par la bruine. Les oreilles bien dressées, j’ouvris mon cœur aux musiques offertes par le vent. Mes poumons s’emplirent d’un flot de sensations riches et diverses et je sentis les battements de mon cœur s’harmoniser à la complainte du vent.

Je devins brise et nuage, vagues lointaines et vols de cormorans, bruissement de fougères et roulement de galets sur la grève, parfum d’algues et de bruyères, sel, trèfle et soleil.

Contemplatif de la truffe, contemplatruffe.


bleiz
image Flickr





Le gouvernement français vient d’autoriser de tuer de six loups en 2006.

L’association loup.org vous invite à signer ici plusieurs pétitions qu'elle relaie pour la défense du loup à travers le monde.

http://loup.org/


coupledeloups
image Flickr

27 janvier 2006

Keridwen narre l'égaré

keridwen1
Nessy se méfiait quelque peu de sa vieille tante, c’était une sorcière réputée autrefois, il paraît qu’elle pouvait même changer le cours des planètes ! Seulement la pauvre avait échoué dans la plus grande des tâches qui lui avait été dicté. Elle avait perdu le Chaudron magique dont le grand Dagda lui avait confié la garde. Depuis elle cheminait à travers les Mondes à la recherche de son chaudron perdu tout en maudissant le barde Taliesin

qu’elle jugeait responsable de cette perte. Elle était devenue aigrie, chagrine, grincheuse et un peu folle en passant son éternité à courir après les indices qui lui feraient retrouver l’objet tant convoité.

« Voyons, ma tante, qu’aviez-vous à m’annoncer  ? » demanda-t-elle en reprenant avec soulagement des vêtements plus appropriés à cette époque.

Un petit chat noir avait sauté à bas du sac à la suite de Keridwen. Il miaulait maintenant pour réclamer quelques morceaux de galettes que la petite vieille lui donnait parcimioneusement entre deux bonnes bouchées.

« Tiens ma fille, en voilà une pour toi, assieds-toi manger un peu, nous avons encore une bonne route à faire et cette fois je compterai sur ta force pour me mener où nous devons aller. Bien, donc un jour où je cheminais sur une île inconnue à peine débarquée de mon curragh de peau, qu’un être abject et vil se présenta devant moi au sortir d’un petit bois. Tu connais cet avorton tritonien, mi-humain, mi-sirène. Le monstre a eu moins de chance que toi ou que ta cousine Mélusine ! La batardise mal acceptée par lui, l’a définitivement bloqué dans une forme mixte, corps humain, peau d’écaille, chevelure d’algues, yeux de tacauds …

–        Le Tud-Goémon !

–        C’est cela-même. Le Grand Naufrageur des îles d’Er, qui a donné leur nom à bien des endroits de la Presqu’Ile Sauvage, est venu m’annoncer une étrange nouvelle. Il aurait vu errer un descendant de Yann d’Infern sur les grèves, près de la Roche Jaune. C’est un « égaré » m’a-t-il dit !

–        Pourtant sa trisaïeule, la femme de Yann, avait beaucoup prié pour sa famille, marché si souvent à Saint-Tugdual et fait tellement de dons aux moines. Ses descendants auraient pu vivre en paix  et mourir tranquilles ! Qu’est-il arrivé ?

–        C’est justement ce que nous devons découvrir.

27 janvier 2006

Le petit cabas de Keridwen

bleiz_021Le loup baissa la truffe et renifla le cabas. Il essaya de fourrer son museau dans l’ouverture sans y parvenir, car le sac s’enfonçait à chaque fois dans le sable. Il se décida à prendre les anses dans sa gueule pour le déposer sur un petit rocher plat à hauteur de l’encolure et là, non seulement il réussit finalement à faire entrer sa truffe dans le cabas, mais la tête entière suivit la truffe et d’un bond, d’un seul, le loup entra dans le sac !

On entendit beaucoup de remue-ménage dans ce sac à main de grand-mère ! D’abord un grognement terrible puis un hurlement de loup à faire frémir une vouivre trempée qui sortait juste de l’eau à ce moment-là. Enfin, une petite voix aigüe et chevrotante de vieille dame sortit du fond du noir cabas :

« Bonjour ma fille, j’arrive, j’arrive, me voici, attends que je te prépare un bonne galette-saucisse et je te rejoins sur la plage ! Dis donc, je ne trouvais plus mes sabots, ah, ma doué, qui c’est-t’y qui m’a fichu un crébond’là de bazar pareil dans ma maison !  » criait-elle à la cantonade, se doutant bien que la vouivre était remontée sur la rive à proximité de l’endroit où Bleiz le loup s’était reposé.

En effet, Nessy s’était approchée en rampant du rocher d’où le sac parlait si étrangement. Mais cela ne semblait pas l’étonner outre mesure. « Comment allez-vous ma très chère tante ? Pas trop fatiguée du chemin ? » demanda-t-elle.nessy22

Ses palmes de pinnipède se rétractaient doucement faisant place à deux jolis bras et deux belles jambes un peu musclés. Sa chevelure fauve retomba gracieusement sur ses épaules. Sa voix grave redevint progressivement douce tandis qu’elle s’adressait au cabas et à ce qu’il renfermait. Nessy reprit les vêtements déchirés qu’elle avait posé sur un rocher. L’orage les avait trempés et Nessy qui commençait à ressentir le froid fit la grimace. C’est alors qu’un bruit la fit se retourner vers le sac, une main en sortait qui posait à terre une paire de vieux sabots de bois d’un noir luisant. Puis suivit une très vieille petite dame qui rechaussa ses sabots un par un, tout en émergeant du vieux cabas de cuir. Elle redressa sa coiffe de dentelle blanche bien amidonnée et planta d’un geste sûr l’aiguille qui la maintiendrait en place sur son chignon de tresses argentées.

keridwen

« Voilà, voilà, voilà, mais dis-moi ma pauvre petite tu dois être toute refroidie dans cette tenue, approche-toi donc que je t’arrange un peu. Carabistouille et cancrelats partez-moi d’là, guipure, feston et dentelles, faites-la belle et virevoltera la robe que voilà ! » s’exclama la petit vieille dame en agitant ses doigts crochus vers une Nessy effarée, soudain vêtue comme une cendrillon partant au bal.

« Tante Keridwen, je vous en prie, pas de robe de dentelle, ni de corset, ni de jupons, rappelez-vous que nous sommes au vingt-et-unième siècle et pas chez Mickey ! Rendez-moi mon jean, mon sweat et mes baskets, s'il vous plaît ! » s’écria la jeune femme en souriant, crispée.

27 janvier 2006

il cherche un poète dont le nom lui échappe

 

 

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Il jette un œil rapide à la vitrine, juste assez pour apprécier la mise en scène. Cela importe peu, il franchit la porte et s’enfonce droit vers la moitié de la première pièce, encore suffisament étourdi pour ne pas prêter attention non plus, à une dame cachée derrière l’écran d’un ordinateur. Il a besoin de toucher le papier, de tourner les pages, d’avaler à la hâte les quatrièmes de couverture des ouvrages dont le titre retient sa main. Migraine lancinante que le froissement des feuilles parvient à dompter. Etrange rapport du corps aux mots par la caresse des pages. Il se noie dans un rayon de poésie. Fébrile, il cherche, il ne sait plus qui, un poète sans doute, dont  le nom lui échappe mais qui murmure à ses oreilles une forte mélopée. Il entasse les livres en équilibre sur une seule pile. Pourquoi ceux-là sont-ils présentés à plat sur une table ? Il penche la tête par habitude sur l’épaule gauche comme pour survoler les titres d’un rayon.

« Vous désirez un renseignement ? »

Il sursaute pris au piège de la confrontation. Parler. Ouvrir la bouche. Proférer un son. N’importe quoi pour replonger dans sa solitude éberluée.

« J’erre, merci, je trouverais mon chemin. »

Ça lui a échappé, ces mots-ci comme d’autres, il n’y pensait pas. Il ne pense pas, il veut fouiller, se nourrir de l’effleurement des doigts sur les pensées écrites. Lire. S’abstraire. Un homme a écrit cela. S’abstraire du monde pour lui trouver un sens.

Lunettes sur le bout du nez, la dame se recache derrière l’écran d’ordinateur. Il devient transparent, il passe dans l’autre pièce. Pas de livres ici, des peintures, des sculptures. L’idée lui plaît. Un livre d’or. Il écrirait s’il pouvait admirer les oeuvres. Mais l’envie lui manque. La nausée remonte à ses lèvres. Le sol tangue. Il doit sortir, prendre un livre et quitter l’intérieur. Un livre de jardin, pourquoi pas ? Il le paie, sort en hâte et respire à nouveau.

 

...

 

26 janvier 2006

Retour à la mer

   

Nessy marcha longtemps derrière le loup. Ils traversèrent des vallées, grimpèrent des collines et sautèrent maints ruisseaux avant que Bleiz ne lui laisse le temps de souffler un peu.

   

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Nessy se posa sur le sable de la petite crique où le loup l’avait menée. C’était toujours un rare plaisir pour la vouivre de revoir enfin la mer. Tout au long de la course à travers bois la pluie était tombée, drue et tiède sous l’orage d’été. Maintenant, les éclairs zébraient le ciel noir au-dessus du rivage et la mer d’un bleu turquoise étincelant semblait vouloir arracher des lambeaux de rochers aux falaises. L’écume volait en petits flocons à travers l’air électrique.

   

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Bleiz semblait aussi rompu que la jeune femme. Nessy devina que l’heure était venue pour chacun d’eux d’effectuer une transformation salvatrice. Les pieds de Nessy ruisselaient de sang, sa peau était griffée de toute part et le loup ne trottait plus que sur trois pattes depuis un bon moment. Maintenant qu’ils s’étaient arrêtés, le froid commençait à les saisir. Nessy se releva péniblement et entra en frissonant dans l’eau froide. Elle fit quelques brasses douloureuses avant que son corps enfle jusqu’à décupler son volume, que sa peau devienne grise et épaisse, que ses jambes fines se transforment en de robustes palmes, que son cou s’allonge démesurément et qu’enfin la vouivre sente une force prodigieuse emplir ses muscles.

   

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Elle nagea vigoureusement vers le large, heureuse de recevoir une telle profusion de sensations diverses. Elle aimait véritablement la mer et ce manque lui laissait toujours une amertume quand elle en restait éloignée trop longtemps. La vie l’avait ammenée au cœur d’un pays de forêt où les eaux pourtant belles et calmes du lac ne pouvait la rassasier.

Pendant que Nessy retrouvait avec bonheur ses joies sous-marines, Bleiz était resté immobile de longues minutes. Lui aussi, à sa manière, était heureux de revoir la mer. Il aurait bien courru, sauté et tourné dans le sable si ses pattes ne l’avait autant fait souffrir. Il s’allongea et se contenta d’enfouir sa truffe sous une touffe de goëmon.

   

goemon

 

La pluie se calmait. Le vent fit éternuer le loup. Il se leva enfin et s’ébroua vigoureusement. Un vieux petit cabas noir extrêmement usé tomba de son oreille.

 

   

   

25 janvier 2006

contre addiction tenace

   
   

Moteurs coupés, l’âme vague filant sur son erre, mes pieds s’ancrent au bitume.

La devanture rouge éclatante d’une boutique accroche mon regard ébloui. Elle réveille une contre addiction tenace et beaucoup plus ancienne. Je me sens incapable d’y résister, d’autant que celle-là redonne un peu de faux-éclat à ma dignité déchiquetée. J’entre dans la librairie. Pas dans un bar. La nuit reviendrait assez vite, inévitablement, avec sa ronde infernale de solitude amère, de désespoir tranchant, de volonté anéantie.

 

...

 

24 janvier 2006

comme à chaque fois la vie revint

 

 

Et peu à peu, comme à chaque fois la vie revint, ramenée lentement au fil des pas déroulés sur le gras des pavés. Longtemps j’errais par les ruelles obscures à l’ombre du château. Une douleur violente, lourde, battait mon front, je fuyais la lumière, les yeux baissés, les épaules lasses d’une nuit oubliée. Je suivais le bord du trottoir, guide incontestable d’une erratique perdition. D’avancer pas après pas réveillait mon corps défunt sur le quai de brouillard. La vie revint comme toujours habitée d’une douce angoisse. Le refrain d’une vieille chanson d’America s’installa en boucle au fond de ma gorge.
I need you
like the flower need the rain
You know, I need You

Le soleil poussa les toits des maisons, il écarta les façades des ruelles et apporta une place lumineuse sous mes pas. Du bruit, des gens, des voitures, tout bougeait en tous sens, je dus arrêter mes pas et laisser l’agitation passer autour de moi.

 

...

 

23 janvier 2006

Perdue sous l'orage (3) - Bleiz

(poussée par Thanna ... )

Un problème se posait à Nessy chaque fois qu’elle voulait sortir de l’eau hors de son territoire habituel. En effet, son corps reprenait les formes d’une jeune femme humaine et comme elle se baignait nue … il lui fallait retrouver discrètement des vêtements. Elle avait disposé plusieurs sacs, valises, malles et mallettes dans des cachettes autour du Lac.

   

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Mais ici, rien de cela ne l’attendait sur les rives. Heureusement, ce qui avait intrigué Nessy, c’était justement l’aspect mort, désert et désolé du lieu. Une forêt sèche couvrait les berges du Loch des deux côtés. Des arbres tortueux aux troncs noircis s’entregriffaient sur les collines à perte de vue. Nessy rejoignit le rivage et sortit de l’eau. Elle avisa quelques fougères roussies dont elle se fit rapidement quelque chose de décent autour des reins et de la poitrine, bien ficelé par des tiges de lierre entrelacées. Ce genre de situation amusait beaucoup la vouivre curieuse. Les feuilles grattaient un peu la peau, mais rien de trop insupportable. Un silence oppressant étreignait l’ombre. Pas un oiseau ne chantait dans les branches, pas un frottement ne s’entendait dans les herbes jaunes.

   

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La jeune femme aperçut loin derrière le couvert de branches nues l’éclaircie d’une clairière. Elle s’engagea dans la forêt. C’est alors que la pluie se mit à tomber, épaisse et violente. Elle était chaude, bien heureusement. Mais de toute façon, jamais la pluie n’avait inquiété la vouivre. Ses transformations ne s’effectuaient que dans un bain total.

Nessy batailla un long moment contre des brousailles épineuses avant de voir une sente tracée par quelque bête sauvage. Elle la suivit un instant jusqu’à trouver un chemin. Celui-ci, un peu plus tard encore, la mena jusqu’à la clairière apperçue de la rive. Un rocher de shiste rouge couvert de lichen gris l’écorchait en plein centre. Un loup s’y tenait assis, immobile sous la pluie battante.

Nessy le reconnut aussitôt. C’était un vieux loup noir au regard vert qui regardait la vouivre approcher. Il souffla et secoua la tête avant de parler. Sa voix grave perça la complainte monotone de la pluie.

   

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« Bonjour Nessy, je t’attendais.
_ Bonjour Bleiz, dit la vouivre un peu contrariée, comment savais-tu que j’allais passer ici ?
_ Eog me l’a révélé.
_ Eog ? Ah, c’est vrai, le saumon savant ! Et comment se porte ma tante Keridwen, demanda-t-elle à nouveau souriante et un peu taquine ?
_ Bien.
Bleiz, le loup n’était pas des plus diserts, c’était un compagnon fidèle mais il n’aimait pas se perdre en bavardages inutiles à son goût. Il narrait à merveille pour un loup, mais pour cela il préférait écrire, ce qui convenait mieux à sa lenteur d’esprit. Ce n’était qu’un gros chien sauvage après tout.
_ Et qu’as-tu à me transmettre cette fois, questionna Nessy ?
_ Suis-moi, répondit le loup en sautant à bas de son rocher.

   

   

22 janvier 2006

et j'ai respiré l'horizon

   
   

J’ai erré dans la ville sur les traces d’une peinture en mémoire. J’ai marché sur les pas d’une poésie en miroir. J’ai tenté d’effacer tous les repentirs gravés sur mon cœur. J’ai franchi des rivières de fiel jaune, enjambé des écluses de colère noire. Je me suis penché au balcon du parvis d’une église. Et j’ai respiré l’horizon. Bleu. Et j’ai oublié.

 

...

 

21 janvier 2006

Perdue sous l'orage (2)

 

Depuis que Nessy était enfant, elle avait un rapport très spécial avec l’eau froide. Dès que son corps tout entier était plongé dans le liquide, une transformation de ses membres, de ses capacités physiques et mentales s’opérait. Il lui avait fallu près de vingt-cinq ans et la rencontre avec un saint homme pour accepter le fait. A ce moment là, son corps et ses métamorphoses avaient cessé d’évoluer. Cela faisait mille quatre cent trente-sept ans exactement.nessy21

Nessy nageait en apnée depuis maintenant trois ou quatre heures quand le besoin de respirer se fit sentir. Elle remonta à la surface. Le ciel avait encore changé. Il était maintenant d’une couleur gris-jaune sombre mais toujours zébré d’éclairs de chaleur. La pluie ne tombait toujours pas. Nessy nagea à la surface pendant quelques instant afin de bien oxygéner ses poumons. Une chose intrigua la vouivre, elle ne reconnaissait pas cette partie du Lac. Lorsqu’elle était sous l’eau tout à l’heure, il lui semblait parcourir une contrée connue mais au-dessus de la surface le paysage ne correspondait plus. Il faut dire qu’elle avait nagé par moments yeux fermés, tout au bonheur de soulager ses membres fatigués par la journée de travail dans la chaleur orageuse du bar.  Elle décida de mettre patte/pied à terre pour en avoir le cœur net.

 

20 janvier 2006

chasser mes débris de tempête

 


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La brume matinale secoua mes muscles engourdis. La ville dormait encore, je me mis en marche. Lentement. Pas à pas. Chaque respiration me remontait une nausée puante à la gueule. Marcher. Evacuer la nuit. Pisser tout mon corps jeté contre un mur. Marcher et respirer. Aérer une à une toutes mes horreurs de moi. Chasser pas à pas mes débris de tempête. Répandre vaincu, dans une encoignure, le dégoût de ma vie, l’écœurement de ma mort. Chien épars à l’angle d’une rue. Reprendre ce souffle qui m’inonde de larmes. L'amertume dégueulée dans chaque coin perdu.

   

 

19 janvier 2006

Nessy - Perdue sous l’orage (1)

 



Excédée par la bêtise des clients du café, Nessy voulait se dégourdir les nageoires après sa journée. Elle retournait à sa masure au bout du village sitôt le dernier client sorti. La jeune femme devait marcher deux kilomètres pour rejoindre son habitation mais c’était d’habitude pour elle un temps de décompression, voire de méditation. Ce soir, le ciel d’automne était chargé d’électricité. Les éclairs zébraient l’horizon et le tonnerre roulait sans discontinuer comme un étrange concert de percussions sauvages. Aucune pluie cependant ne venait soulager l’atmosphère d’une fraîcheur bienvenue. Nessy transpirait à grosses gouttes et chaque pas vers chez elle était une torture pour ses pieds compressés dans des baskets trop chaudes. Le besoin de faire un plongeon dans les eaux froides du Loch se faisait de plus en plus pressant.
Dès qu’elle fut enfin arrivée, Nessy jeta ses chaussures d’abord, puis tous ses habits sur les porte-manteaux de l’entrée, sans prendre le temps de passer par sa chambre. Elle dégagea l’aspirateur qui encombrait le placard à balais ( !) et souleva la trappe qui se confondait avec le plancher du placard. Des marches en pierres, creusées par des siècles d’usage, menaient par un souterrain jusqu’au Loch. A partir de la dix-huitième marche, le souterrain se prolongeait sous l’eau. Nessy apprécia grandement le contact des pierres froides sous la plante des pieds. Un sourire effleura ses lèvres, un soupir de soulagement les traversa. Elle se tint quelques secondes en arrêt sur la dix-huitième marche, prit une grande inspiration et plongea dans le boyau inondé.
18 janvier 2006

enclume et calfatage

   

(à la recherche d'une bouteille et de la mémoire)

 

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John laissa les yeux fermés plusieurs longues minutes. Une enclume battue par un forgeron dingue sonnait juste derrière ses sourcils. Le sol se dérobait sous ses pieds. Il tenta de rester immobile malgré le léger roulis qui animait son corps. Debout, les yeux toujours fermés, une nausée au bords des lèvres serrées sur sa cigarette, il essaya de respirer profondément. Une odeur de poisson pourri agrémentée d’algues en décomposition traversa la fumée de sa clope et lui arracha un haut-le-cœur. Désormais, il en fallait beaucoup plus avant qu’il ne répande tripes et boyaux misérablement à ses pieds. Il prit sur lui d’inspirer à nouveau une grande goulée d’air, suivie de quelques autres. Puis, toujours les yeux fermés, il écouta. Les bruits alentours ne correspondaient pas à l’odeur. Sa mémoire endomagée lui disait que les odeurs de poisson, d’algues pourries, de fer rouillé et de calfatage bitumineux était celle d’un port. Mais nulle agitation, nul bruit de grincement d’appareil de levage, nulle animation et surtout, nul cri d’oiseau marin. Le bruit des vagues qui s’écrasent contre un quai. C’est tout. Et ça ajoute à l’impression générale de tangage.
Merde faut j’allume une nouvelle clope. Fait chier d’avoir paumé mon nom-de-dieu de putain de briquet.
Le geste fut joint à la pensée et permis qu’il se décide à entrouvir les yeux. Il mit une nouvelle cigarette à ses lèvres et utilisa l’extrémité du mégot précédent pour l’allumer. La fumée lui fit cligner les yeux. Il étira une paire de longs bras musclés, reprit sa cigarette de la main gauche et bailla du mieux qu’il put en faisant craquer ses maxillaires.
Bordel, qu’est-ce que je fous-là ? Je ne sais même pas où trouver un zinc ici. C’est désert ce coin !
Il lui revint à l’esprit plusieurs images de port, tous bien vivants, remuants, agités. Il ne sait pourquoi cette ambiance lui manquait. Ce n’est certes pas le bruit qui lui faisait défaut, dans l’état où il était, son crâne n’aurait pas supporté un décibel de plus. Chance, il régnait dans ce lieu un silence de mort. Non, c’est l’activité des arrivées et départs de bateaux, les dockers, les filles, les conteners et les dealers qui n’étaient pas là mais dont l’absence soulevait en lui des pans d’ombre sur les fichiers altérés de sa mémoire.
Amnésique.
Le mot commençait à avoir un sens. Il savait que c’était son problème. Il savait aussi qu’il était mort. Mais dans l’instant ces deux mots n’avaient pas l’importance que revêtait pour lui un comptoir de café. Un autre mot vint occulter tout espoir de pensée relativement sensée : bourbon. Il se mit lentement en marche et allongea au ralenti de puissantes emjambées vers une destination inconnue, si possible civilisée et bien fournie en vivres de première nécessité, de l’alcool et du tabac.

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Nessy et la mission de Keridwen
  • Cette histoire compliquée provient de textes tracés sur des écorces de bouleau trouvées dans un curragh abandonné sur une île perdue. Ils aurait été écrits par un loup du nom de Bleiz. Voici dans un ordre supposé chronologique ces aventures merveilleuses.
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Nessy et la mission de Keridwen
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